La Bible de Louvain

« 25 octobre. - A l'abbaye de Solesmes où je compte passer trois jours. Le Père X. m'a parlé du séjour de Paul Valéry à l'abbaye. Le poète a demandé à voir la Bible de Louvain que personne ne connaissait, mais qu'on a fini par trouver à la bibliothèque, et il en a lu tout haut des passages tirés du livre de Job. Malgré quoi on a constaté avec tristesse qu'il ne suivait pas les offices!... J'ai demandé à voir cette fameuse Bible et quelques instants plus tard elle était sur la table de ma cellule. Grand volume in-folio dont les pages en papier robuste tournent avec fracas. La traduction m'a paru très belle, mais d'une beauté quelquefois bizarre, et là où elle a le plus vieilli, elle a mal vieilli. « Le Seigneur ma colloquée au lieu de la pâture », dit non sans prétention la brebis du psaume XXIII. Ailleurs il nous est enjoint d'adorer notre facteur et de chanter ses louanges sur des instruments à cordes. J'ai goûté l'épître dédicatoire à Henri III, écrite dans une langue si riche et si savoureuse que je n'ai pas résisté au plaisir de recopier quelques phrases. L'auteur est bon courtisan : parlant des villes foudroyées par l'Éternel à cause de leur impudicité, il a la délicatesse de ne point nommer la plus fameuse, pour ne pas chagriner Sa Majesté sans doute. » (Julien Green, Journal 1946-1950, entrée du 25 octobre 1947, Plon, 1951)

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