Mystificateur

«19 juin. — […]
- Dans un dîner d'hommes de lettres, quelqu'un a prononcé le nom de Valéry et à ma très grande surprise j'ai vu un écrivain faire la petite bouche et il a dit que les textes de ce poète ne signifiaient pas grand'chose et qu'au fond il ne savait presque rien. Comme je protestais, mon voisin de gauche a murmuré doucement : « Qu'est-ce que vous voyez donc de si beau dans Valéry? - Mais quoi, la beauté de la langue, la musique de certains vers — et il y en a beaucoup... » Il a fait une moue sceptique. « La beauté de la langue, oui, sans doute, mais pour le reste...» Ces opinions confondantes m'ont plongé dans une sorte de stupéfaction. Le mot de mystificateur a circulé. Depuis que je suis revenu à Paris, c'est ce que j'ai entendu dire de plus étonnant. » (Julien Green, Journal 1946-1950, entrée du 19 juin 1949, Plon, 1951)

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