Le miroir de la théorie

Le 10 décembre 2011 de 10h à 13h à l'ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris, amphi Rataud

« Paul Valéry, le miroir de la théorie »

Par Benedetta Zaccarello
Rapprocher le nom de Paul Valéry (1871-1945) avec les territoires de l’autobiographie peut sembler, au premier regard, un véritable paradoxe. Théoricien du « Moi = Zéro », auteur d’un anti-journalque sont les Cahiers, écrivain ayant toujours affiché son mépris du roman, comme son soupçon envers toute forme de narration, Valéry non seulement refuse de s’intéresser à l’événementiel, comme de croire en la possibilité d’un récit véridique, mais il constate souvent dans ses notes sa propre difficulté, voir son sentiment d’horreur, face à la relation – à ses yeux incompréhensible et pourtant indéniable – qui subsiste entre le sujet et la personne, entre conscience et existence. En effet, si pour Valéry « La marquise sortit à cinq heures » n’est qu’un détail inintéressant car irrémédiablement arbitraire, ce qui fait de chaque « Moi » un être dans le monde, un parcours de vie parmi tant d’autres virtuellement possibles, ne peut apparemment que tenir le rang d’une contingence sans importance.
À un regard plus attentif, la démarche valéryenne révèle cependant un rapport bien plus complexe à l’autobiographie que celui que semblent vouloir suggérer les affirmations provocatrices de l’auteur de La Jeune Parque. C’est notamment la relation à l’œuvre qui, permettant à celui qui écrit de se confronter à son image publique d’écrivain, ouvre la possibilité d’un regard rétrospectif, et, par là, d’un récit de genèse (de soi). Il en découle non seulement la notion toute valéryenne d’ego scriptor, mais tout un prisme de registres autobiographiques, sans doute hors norme, du moins pour l’époque de Valéry.
Mon exposé se propose donc d’articuler un bref excursusà travers quelques-unes des ces « anomalies » du récit de soi que Valéry pratique et théorise en même temps – des vies imaginaires (prétendues) d’autrui à la transposition de soi en théorie, en passant par le micro-récit exemplaire et par la création d’alter ego quelque peu mythiques, jusqu’à l’auto-fiction ante-litteram. De manière fort cohérente par rapport à l’épistémologie valéryenne, ces différentes formes découpent une figure qui ne se laisse percevoir que pour ainsi dire en négatif, par soustraction, en guise de calque.
Outre les Cahiers et certains textes majeurs de Valéry qui figurent désormais dans l’édition Pléiade de ses œuvres (Monsieur Teste ; Introduction à la méthode de Léonard de Vinci ; Poésie et pensée abstraite), nous nous pencherons sur la conférence « Mon œuvre et moi » récemment publiée par Michel Jarrety dans Paul Valéry, Souvenirs et réflexions, Paris, Bartillat, 2010.

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